Les récentes déclarations du Pape François sur l’homosexualité changent-elles radicalement la doctrine morale de l’Eglise ?

Photo Duane Michals, Salvation, 1984. Salvation, Duane Michals, 1984

Le Pape François est-il en train de changer radicalement la doctrine morale de l’Eglise ? Il le semble si l’on s’en tient aux déclarations inouïes qu’il vient de faire, notamment sur l’homosexualité, et que les médias et les réseaux sociaux se plaisent à rapporter hors contexte. Mais l’apparence se dissipe si l’on contextualise les propos de Bergoglio.

Au cours du vol qui le ramenait de Rio, en réponse à la question d’une journaliste, il avait déclaré:

« Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger? », « On ne doit pas marginaliser ces personnes qui doivent être intégrées à la société. » (Cf. ci-dessous à 4' et sv.)

La revue La Civiltà Cattolica vient de publier dans son numéro du 19 septembre un entretien de son rédacteur en chef avec le Pape où il réitère ces propos. Mais les précisions qu’il leur apporte leur ôtent tout caractère « révolutionnaire ».

Le Pape François a principalement pour souci de sauver la baraque !

Il plaide certes pour l’intégration des homosexuels dans la société (tout en condamnant leur « lobby ») et il demande pour eux un autre regard, non blessant, et plus de miséricorde de la part de leurs confesseurs. Cette position, cependant, ne s'écarte pas fondamentalement du Catéchisme de L’Eglise catholique et de Persona Humana.

Si pour François il faut accueillir et accompagner miséricordieusement les personnes homosexuelles, au lieu de les condamner et rejeter (comme sous Pie X dont le catéchisme classait l'homosexualité, «le péché impur contre l'ordre de la nature», parmi  les plus graves «dont on dit qu'ils crient vengeance devant la face de Dieu»), il n’en reste pas moins que l’acte homosexuel est bien toujours un péché qui doit se confesser, comme l’avortement et le divorce et même la contraception. Pas un pas en avant, donc, depuis Humanae Vitae.

En vérité, il est devenu patent pour le Magistère que l’Eglise est menacée de désertion à cause de ses prises de position sans nuance sur les mœurs, de moins en moins comprises et admises, et ce en dépit du succès du show brésilien. Il y a donc désormais urgence à faire moins de bruit autour des questions de l'homosexualité, de l'avortement, etc. Et François le dit clairement dans Civiltà Cattolica.

Certes encore, le Pape parle sous l’invocation de l’essentiel, du message évangélique, du feu de la foi et de la pastorale missionnaire. Mais la lecture de l’entretien dans son ensemble ne laisse planer aucun doute : il n’est pas question d’une autre doctrine morale que celle défendue jusqu’ici ; Jorge Mario Bergoglio rappelle que, fils de l’Eglise, il la partage ; il convient juste de ne plus en parler tout le temps.

En somme, par ses récentes déclarations apparemment en faveur des homosexuels, le nouveau Pape n’a pas rompu avec l’intégrisme, et il n’a fait que ce que ses prédécesseurs ont toujours fait: préserver le Vatican. S’il appelle son clergé à «la mettre en veilleuse» sur les interdits et condamnations éthiques et à se concentrer sur la pastorale évangélique, c’est en dernier ressort pour mieux assurer ses conclusions morales traditionnelles.

Extraits de l’entretien du Pape François (pp. 463-464 du n° 3918 de La Civiltà Cattolica du 19.09.2013 lisible ou téléchargeable intégralement infra):

« A Buenos Aires, j'ai reçu des lettres de personnes homosexuelles, qui sont des “blessés sociaux”, car elles me disent qu'elles se sentent comme l'Eglise les a toujours condamnées. Mais l'Eglise ne veut pas faire cela. Pendant le vol de retour de Rio de Janeiro, j'ai dit que si une personne homosexuelle est de bonne volonté et en quête de Dieu, je ne suis personne pour la juger. Disant cela j’ai dit ce que le Catéchisme dit. La religion a le droit d'exprimer son opinion au service du peuple, mais Dieu dans la création nous a rendus libres: l'ingérence spirituelle dans la vie personnelle n'est pas possible. Un jour une personne, d'une manière provocatrice, m'a demandé si j’approuvais l'homosexualité. Je lui ai alors répondu par une autre question: “Dis-moi, Dieu, quand il regarde une personne homosexuelle, en approuve-t-il l’existence avec affection, ou la rejette-t-il en la condamnant?”. Il faut toujours considérer la personne. Ici nous entrons dans le mystère de l'homme. Dans la vie Dieu accompagne les personnes, et nous, nous devons les accompagner à partir de leur condition. Il faut les accompagner avec miséricorde. 

[…] Nous ne pouvons pas insister seulement sur ​​les questions liées à l'avortement, le mariage homosexuel et l'utilisation des méthodes contraceptives. Ce n'est pas possible.

[…] L'opinion de l'Eglise, d'ailleurs, on la connaît, et je suis le fils de l'Église, mais il n'est pas nécessaire d'en parler tout le temps.

[…] Nous devons donc trouver un nouvel équilibre, sinon même le bâtiment moral risque de s’effondrer comme un château de cartes, de perdre la fraîcheur et le parfum de l'Evangile. La proposition évangélique devrait être plus simple, profonde, rayonnante. C’est à partir de cette proposition que viennent ensuite les conséquences morales. » (Traduit et souligné par Politproductions)

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"Qui suis-je pour pouvoir le juger?", la parole sans doute la plus chrétienne qui soit à l'égard d'un homosexuel, et pourtant l'homosexualité demeure un péché pour l'Eglise et son chef. Contradiction. Car nulle part le Christ ne condamne l'homosexualité. Encore et toujours l'Eglise confond sa doctrine morale avec l'Evangile.